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Halha
Adishatz Ciutadans 🔉! En cette saison fort frileuse, réchauffons-nous les cœurs à la faveur des halhas qui nous entourent… Un choix de mot bien curieux pour une période si propice au froid ! Vraiment ?
La halha 🔉, c’est bien évidemment « la flamme », dans son sens le plus lumineux, mais, en vrai couteau-suisse sémantique de la lumière, elle peut désigner tour à tour le feu, voire le feu de joie, le flambeau, la torche, le brandon, la lampe, l’éclairage… Et on pourrait rajouter à la liste bien des dérivés : la halhèra 🔉, la halhòla 🔉, la halhada (1)🔉, la halhassa 🔉… e que’n passi 🔉!
Plusieurs locutions y font évidemment allusion : un foyer où non i a ni huec ni halha 🔉 est donc un logis très pauvre, n’ayant ni feu ni chandelle… On retrouve également le fameux : tira’t de la halha 🔉! qu’aurait dit un Diogène gascon à Alexandre, pour lui signifier le célèbre « ôte-toi de mon soleil »… Expression qui invite sans détour à débarrasser le plancher, à ficher le camp.
Plus inattendu, la halha 🔉 désigne par analogie « la crête » de l’animal insigne de nos basse-cours : le coq.
Et c’est dans ce sens-là du terme que les expressions sont les plus nombreuses, curieusement : être fièr com un hasan de la halha 🔉, c’est être fier comme Artaban, et lors de joutes verbales, un orateur peut parfois ensenhar la halha 🔉 à un autre, à savoir lui tenir la dragée haute… Mais si l’interlocuteur est habile, il saura lui har baishar la halha 🔉, lui rabattre le caquet donc. Le premier se retrouvera donc gahat per la halha 🔉, littéralement « pris/pincé par la crête », à savoir dos au mur. Il sera alors rapidement moqué, on dira de lui qu’a esperit com un guit/ua auca halha 🔉(manquer d’esprit), et on le rappellera quan las aucas ajan halha 🔉(à la Saint glin-glin, la semaine des quatre jeudis…) (2)
Ne tournons plus autour du feu, c’est bien la halha de Nadau 🔉 que je souhaite évoquer ici ! Tradition séculaire et pourtant documentée de façon très inégale, elle est encore particulièrement vivace en Chalosse, sur la côte gasconne et dans les Pyrénées centrales. Il s’agit de feux solsticiaux communautaires, qu’il s’agisse de la famille, d’un voisinage ou d’une commune allumés le 24 décembre, se répondant (ou non !) d’une communauté à une autre.
Le sens et l’origine sont encore discutés, certains affirmant que ces feux traçaient un chemin conduisant les Rois mages au berceau du Christ ; d’autres expliquant qu’ils visaient à éloigner les sorcières et esprits malins pour s’assurer de bonnes récoltes pour l’année à venir… Cette dernière option rituelle semble faire le plus consensus (3), comme en témoignait notamment la formulette scandée en Sud-Gironde lors des feux mobiles : Halha Nadau, Lo pòrc a la sau, La pola au topin, Coratge vesin 🔉! (Flambeau de Noël, Le porc dans le sel, La poule dans le pot, Courage voisin !) (4)
Et quid, de nos jours ? On revisite et on innove ! Un très beau spectacle en perspective vous est proposé à Anglet qui revisite l’histoire de la Halha de Nadau 🔉 sur la côte gasconne, si proche de la torrèla 🔉 de Capbreton. Partout ailleurs, vous trouverez à Bazas, à Saint-Sever, à Saint-Vincent-de-Paul ou encore à Vieux-Boucau diverses animations conviviales. C’est l’occasion pour les familles, amis et voisins de se retrouver, de retrouver du sens, de la joie, de boire (chaud de préférence !) en bonne compagnie…
Mais également de renouer avec la culture gasconne des feux, et aussi de sa langue en s’interpellant, en discutant et en chantant... Comme par exemple, l’une des chansons d’un certain album de Boisson Divine opportunément intitulé : La halha 🔉! (https://www.youtube.com/watch?v=0hfWsnSa1Vk&list=PL6fXru2X83WpMnTYB3f_x-zm6fppQMmod)
Michaël Barret
per Gat-esquiròu
1. Encore aujourd’hui on retrouve le tumulus de la halhada 🔉 sur le plateau de Ger-Bartrès, près de Lourdes, témoignant de l’usage qu’en faisaient les bergers pour y faire la halha 🔉.
2. sources : « Dictionnaire du Béarnais et du Gascon modernes (bassin aquitain) », Simin Palay (1974). CNRS Éditions. ; « Dictionnaire béarnais ancien et moderne », V. Lespy e P. Raymond (1887)
3. source : HEINIGER-CASTERET Patricia et LAMOTHE Mathilde, « ''Nadau e Sent-Joan partajan l'an'' (Noël et Saint-Jean partagent l'année). Les feux au XXIe siècle », dans Laurent-Sébastien FOURNIER (dir.), L’inventaire des fêtes en Europe, Paris, L'Harmattan, 2017, p. 151-170
4. source : https://www.pci-lab.fr/index.php?option=com_fichesinventaire&view=fiche&Itemid=389&id=52
Photos :
* HALHA 1, 2, 3 : https://www.tourismelandes.com/decouvrir-la-destination/experiences-landaises/feu-noel-haille-nadau/
* Rooster_portrait2 : Par Muhammad Mahdi Karim — Travail personnel, GFDL, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5507626
* Sud_Gironda : https://www.facebook.com/photo/?fbid=10222150056593171&set=pcb.10222150060593271
* halha_nadau_semisens : https://www.facebook.com/photo?fbid=882939423994217&set=pcb.882939470660879
* La-Pastorale : https://www.anglet.fr/sorties/agendas/detail-dun-agenda/actualites/pastorale-gasconne-halha-de-nadau/
* halha_boisson : https://boissondivine.bandcamp.com/album/la-halha