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Carnaval 🔉
Pour beaucoup, Carnaval, c’est un grand bûcher, des déguisements, une fête brouillonne, un défilé et… M. Carnaval.
Pour peu que l’on se penche sur ces cendres annuelles, on découvre avec bonheur les racines de ce qui compose notre comportement grégaire. Non, on ne fait pas un feu pour faire un feu, non, on ne se déguise pas pour se déguiser, on ne défile pas pour défiler.
Carnaval n’est pas une date sur le calendrier, c’est une ponctuation sur une année loin d’être civile.
La première peur de l’humain naît de l’observation de la nature : après l’euphorie de ce que nous nommons l’été, les nuits, vectrices de dangers non maîtrisables, se rallongent, les jours raccourcissent. Fin octobre, début novembre, les nuits sont quasi égales aux jours. Selon les Celtes, c’est la « fenêtre » spatio-temporelle durant laquelle morts et vivants peuvent communiquer.
C’est aussi la saison pleine des cujas 🔉, les citrouilles. Qu’à cela ne tienne, fêtons ce soleil qui se mange, aidons-le à nous donner la lumière qui commence à manquer lors des veillées.
La nueit tots los ors que's semblan 🔉
Mais les nuits continuent de progresser, que’s minjan lo dia 🔉. Jusqu’à quand ? Que ferons-nous si la nuit, l’obscur, le danger deviennent permanents ? Ces hurlements dans la forêt, dans le ciel, plus de feuille, de fruit, le gel, le froid. L’ours absent qui a emporté le printemps avec lui, dans la tuta 🔉.
Heureusement, l’humain et son instinct grégaire a fait quelques réserves qui permettront de tenir jusqu’à…
Fin décembre, la nuit se fait pesante, pressante, elle semble prendre le dessus. Afin d’aider le jour à lutter, nous faisons alors des feux sur les collines, dans les cheminées. Cette halha 🔉 doit tenir toute la nuit, jusqu’au petit matin. Mon père choisissait une belle bûche qu’il déposait dans le foyer quand nous partions à la messe de minuit. S’il y a moins de cheminées aujourd’hui, c’est bien cette bûche qui nous régale au réveillon.
Ua flor non hè pas la prima... 🔉
Et là, miracle, le jour regagne sur l’obscur et janvier février nous voient nous régaler de couronnes et crespèras 🔉 de forme et couleur du soleil, qui permettent d’achever les réserves de farine et d’œufs. De nouveau, les blés seront semés, les oiseaux pondront, les bourgeons pointeront, l’ours ramènera le printemps sur son dos.
C’est la fin de l’obscur, des peurs de la nuit, du danger, du désordre. Enfin, le jour gagne. La lumière, le blanc, l’ordre, la vie reviennent.
Tous ces mots définissent Carnaval : la victoire de la lumière sur l’obscur, de l’ordre sur le désordre. Ainsi, palhassas 🔉, gendarmes, rosettes et chasseurs, Sent Pançard 🔉 et Quaresma 🔉 sont ces contraires symbolisant la lutte ancestrale du bien contre le mal. Sent Pançard est brûlé pour assainir l’année qui s’achève et repartir sur de bonnes bases. On se déguise en contraire de ce que l’on est, on danse en cercle pour faire communauté, pas de premier, pas de dernier. Ensemble, on vainc.
Marie-Hélène OUSTALÉ
Un merci particulier à mon ami Thierry Truffaut qui m’a tout appris sur ces fêtes païennes fondatrices.
J’espère ne pas avoir trahi son enseignement.
Crédit photo : Adrien Basse-Cathalinat et Wikimedia Commons